Informations socialisme: La gauche du travail contre la gauche des « bénéficiaires » : Adieu Croizat ! – Point de vue international

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En focalisant l’attention politique et médiatique sur une polémique entre la « gauche du travail » et la « gauche des allocations », la direction du PCF poursuit un objectif immédiat. Ayant dû accepter de rejoindre l’alliance des partis de gauche NUPES, dominée par Jean-Luc Mélenchon La France Insoumise pour sauver son existence parlementaire, il veut refermer la parenthèse en poussant la division dans une union qu’il juge contradictoire avec ses intérêts d’appareil.

« Débarrasser les travailleurs de l’incertitude de demain »

Le procédé n’est pas nouveau, le thème choisi marque en revanche une rupture qui n’est pas anecdotique. Ce sont en effet les fondements mêmes de la Sécurité sociale, dont le PCF prétend être le gardien vigilant, que Fabien Roussel attaque.

L’ordonnance de 1945, dont Ambroise Croizat, ministre du Travail PCF dans le gouvernement de Charles de Gaulle, fut l’artisan, stipulait dans son préambule :

La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille, dans des conditions décentes. […] Il répond au souci de débarrasser les travailleurs de l’incertitude de demain […].

Le rapport de forces particulier existant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale a permis d’imposer aux employeurs, en plus du salaire direct, le paiement obligatoire de « cotisations sociales », la partie dite « socialisée » du salaire. Ces cotisations sociales permettent de financer des revenus de remplacement (pensions de retraite, indemnités journalières maladie) ou des allocations familiales. A l’époque, la sécurité sociale ne prenait pas en compte le chômage « à risque », qui était quasi inexistant. Ce fut, par la suite, le rôle des ASSEDIC, devenus Pôle emploi.

Un combat d’arrière-garde

Les patrons et les politiciens des classes dominantes ont dû l’accepter mais ont toujours combattu la ponction sur leurs profits pour financer les situations de « chômage ». Pour eux, ce n’était rien de plus qu’un encouragement à la « paresse » naturelle des « classes inférieures ».

« L’aide sociale », un « cancer de notre société » selon Wauquiez, Le Pen ou Zemmour, ou la « somme folle » que coûtent les allocations selon Macron ne sont que les derniers avatars de ce combat. L’objectif est triple. :

- réduire massivement les coûts de la protection sociale (ce qui permet d’augmenter les profits) ;

- forcer les employés qui n’ont pas d’autre choix à accepter n’importe quel emploi pour n’importe quel salaire ;

- diviser les salariés entre eux (ceux qui « travaillent dur » contre les « assistés » »).

Roussel a emboîté le pas, faisant semblant d’« écouter » ceux qui « parlent d’aide sociale en nous disant qu’ils travaillent et qu’ils [the beneficiaries of minimum social benefits] ne fonctionnent pas. »

Macron lance une nouvelle contre-réforme des allocations chômage, en modulant les allocations en fonction du niveau d’emploi. C’est le moment choisi par Roussel pour affirmer « le sujet n’est pas d’augmenter les minima sociaux mais de sortir des minima sociaux » ». Ces propos seront, à juste titre, perçus comme une trahison par les chômeurs et ceux qui défendent leurs droits. et comme soutien du gouvernement Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, présent à la Fête de l’Humanité, ne s’y est pas trompé et a immédiatement approuvé les propos de Roussel.

Quoi qu’il en dise, une fois engagé dans cette voie, il sera difficile pour Fabien Roussel de s’arrêter en chemin et de ne pas « entendre » les mêmes personnes lui expliquer la femme d’à côté qui est également assistée et « a des enfants à réclamer ». allocations » ou le voisin à l’étage supérieur est un « escroc qui prend toujours des congés de maladie, pour ne pas aller travailler et toucher les indemnités journalières ».

Chômage, retraites, allocations familiales, indemnités journalières, ce sont autant de droits sociaux acquis par les salariés qui sont remis en cause par la dénonciation de « ceux qui vivent d’allocations ».

Revenu de substitution ou plein emploi : le dilemme absurde

Pour tenter de justifier sa capitulation devant l’idéologie néolibérale, Roussel a tenté d’y opposer l’exigence de la « fin du chômage » : « Je me bats pour une société qui se donne pour horizon de garantir un emploi, une formation, un salaire aux chacun de ses concitoyens ».

Si « l’horizon » est bien celui d’une société qui sort du chômage, c’est-à-dire, autrement dit, une société qui rompt avec le capitalisme, toute la question est de savoir quelle stratégie et quels mots d’ordre sont mis en avant pour y parvenir.

Il est frappant que, de ce point de vue, Roussel passe sous silence l’exigence centrale pour mener la lutte dans ce sens : que chacun travaille moins, c’est-à-dire le partage du travail entre tous, qui permet à la fois de donner à chacun un emploi et un salaire digne, pour réduire massivement le temps de travail contraint, et donner à chacun le temps nécessaire aux loisirs, aux relations sociales, à l’épanouissement personnel, à la participation à la vie de la cité.

Dans un article de Le MondeRoussel avoue, comme à regret :

Bien sûr, à titre transitoire [we stress]les salariés ont besoin de protection, de soutien et je serai à leurs côtés pour dénoncer toutes les attaques du gouvernement à leur encontre, avec cette réforme de l’assurance chômage ou le projet de travail obligatoire en échange d’allocations chômage.

Mais c’est précisément parce que nous sommes aujourd’hui dans une société où règnent le chômage et la précarité de masse que nous devons agir, non pas en dénonçant les revenus de remplacement au nom du plein emploi, mais en exigeant leur extension :

- pas le RSA (allocation chômage), mais le maintien du salaire ;

- des pensions qui, à partir de 60 ans, assurent le prolongement des meilleures années du wag ;

- allocations familiales pour le premier enfant;

- une allocation d’études égale au salaire minimum pour tous les étudiants ;

- la suppression des jours d’absence et la pleine indemnisation en cas de maladie.

Ce ne sont pas les droits sociaux qui produisent la méfiance et l’hostilité des salariés, c’est au contraire le fait que ces droits ne sont pas pour tout le monde et sont de plus en plus restreints, donnant le sentiment que l’aide est « pour les autres et jamais pour moi ». C’est aussi le fait que les classes populaires sont de plus en plus appelées à cotiser à la place des employeurs pour financer la protection sociale : baisse ou suppression des cotisations dites « patronales », remplacées par des taxes inéquitables (CSG TVA…).

Il est urgent de débattre avec les militants et sympathisants du PCF des effets désastreux de l’orientation défendue par Fabien Roussel. Cela ne lui fera gagner ni électeurs ni militants, mais cela crée des obstacles supplémentaires aux mobilisations nécessaires.

29 septembre 2022

Traduit par Point de vue international de l’Anticapitaliste.

Bibliographie :

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